Chapitre 14
La consommation et l'écologie
Nous avons vu aux chapitres 7, 10, et surtout 11 avec le contrôle opérationnel, comment on peut renforcer la prise en compte de l'ensemble des conséquences résultant des choix stratégiques effectués par les organisations, donc leur responsabilité écologique et sociétale en termes actuels. Nous proposerons au chapitre 16 un système de financement de l'activité qui rende cela réaliste économiquement.
Précisons à ce sujet que la révision de la notion de propriété présentée au chapitre précédent donne un contenu plus concret à la phrase « la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres ». En effet, le système que nous avons décrit implique que la propriété ne donne pas droit à l'irresponsabilité. Sur ce plan, le système actuel est totalement défaillant parce que l'on cherche, dans la logique de Marx dans Le Capital, à définir l'irresponsabilité en terme de loi, ce qui devient de plus en plus impraticable au fur et à mesure que la technologie avance. L'émergence de la nécessité du principe de précaution a été le moment clé où ce système est devenu totalement inadapté. La législation dit que l'on a le droit de développer un produit tant qu'il n'y a pas de preuve sérieuse de sa dangerosité, c'est-à-dire que l'on prend en compte le seul produit. À l'inverse, le principe de précaution suppose une logique dans laquelle le niveau de risque qu'il sera raisonnable de prendre vis-à-vis du produit en cas d'incertitude dépend de l'utilité sociale du produit, mais aussi et surtout des alternatives disponibles. Si on impose aux entreprises un formalisme de prise de décision raisonnée comme nous le recommandons, alors on oriente de facto vers le respect du principe de précaution. En revanche, dans le cadre du capitalisme régulé par la loi, on en est réduit à tripatouiller, parce que la demande morale des citoyens, c'est le principe de précaution, mais que celui-ci ne rentre pas dans le cadre de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme que nous avons évoquée au chapitre 7, et encore moins dans la logique de concurrence économique exacerbée. La seule astuce que l'on ait trouvée qui produit un résultat effectif est le système d'amendes très élevées en cas de tués dans le transport aérien américain qui permet d'imposer un certain principe de précaution indirectement, via les compagnies d'assurance.
Abordons maintenant le volet consommation de la transition écologique. Sur ce plan, il faut tout simplement interdire la publicité non sollicitée. En effet, d'une part, la dissonance cognitive nous montre que le cerveau humain n'est pas de taille à résister à la répétition d'un message construit pour plaire. D'autre part, il faut arrêter de mener une politique publique contradictoire où d'un côté on fait naître artificiellement chez les individus des besoins qu'ils n'avaient pas, et de l'autre on leur demande de se modérer pour protéger la planète. Vu l'ampleur de la modération souhaitée, le juste milieu sur cette échelle est juste une manière de faire semblant de faire de l'écologie. Les moteurs de recherche suffisent à trouver ce que l'on cherche. Ils doivent simplement être encadrés pour assurer leur neutralité.
Une écologie efficace suppose enfin une réduction de la natalité. Cela suppose des mesures d'accompagnement pour éviter la sous-représentation des filles, en particulier en faisant préalablement disparaître la notion de dot là où elle perdure, et en sécurisant le système de retraites via les nouveaux gains de productivité liés à la seconde révolution industrielle et technologique.
Ces deux derniers points constituent ni plus ni moins que les bases de la décroissance. Rappelons à ce stade que, comme nous l'avons vu au début du chapitre précédent, dans notre système actuel, la croissance est nécessaire uniquement à cause de la loi de Parkinson (chapitre 2) qui génère un enlisement progressif du système que l'on n'affronte pas, et que l'on cherche donc simplement à compenser par de la croissance.
Ce qui est remarquable, c'est que dès lors que l'on cumule l'organisation de la production vue dans la seconde partie de ce livre et les deux mesures de ce chapitre, la décroissance tombe comme un fruit mûr. En revanche, quand on cherche à mettre en place la décroissance directement, le sujet reste inextricable au niveau pratique parce qu'il suppose l'émergence d'une conscience collective supérieure, un peu comme dans le cas du communisme. Dit autrement, les éléments bloquants réels vis-à-vis de la décroissance, ce sont le népotisme généralisé et la dissonance cognitive, mais ils n'étaient pas visibles. En revanche, une fois que l'on les a sérieusement pris en compte, et que l'on a proposé une organisation sociale adaptée, la décroissance cesse d'être un problème pour devenir une conséquence prévisible du nouveau mode de fonctionnement.