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Le mythe de l'écoute et de la bonne ambiance

A la question 'Quelles sont les conditions à réunir pour produire un raisonnement sérieux ?', nous avons expliqué les quatre phases de la résolution de problème, c'est à dire d'une prise de décision sérieuse :
1. Constater le problème.
2. Conduire une analyse sérieuse.
3. Elaborer une solution, souvent partielle.
4. La mettre en œuvre.

Voici maintenant comment prendre des décisions arbitraires, en s'économisant tout l'effort cognitif de la partie analyse, tout en passant pour quelqu'un de sympathique :
1. Faire décrire à l'autre la situation, s'intéresser à sa description, poser des questions, mais chercher avant tout à créer une bonne ambiance, donc ne pas relever les éventuelles incohérences, approximations, croyances, etc.
2. Poser, sans la moindre justification, la solution que l'on a choisie.

Le principe est le suivant : c'est le temps d'écoute empathique qui crée chez l'autre le sentiment de bienveillance, même si cela conduit à une décision baclée.

Au niveau de l'exposé de la solution choisie on peut aussi utiliser différents artifices pour camoufler le recours final à une approche autoritaire :
Nous allons ... même si c'est l'autre qui va en réalité.
Je te suggère ... et comme si tu te plantes, je te ferai bien savoir que tu ne m'a pas écouté, au lieu de te soutenir, dans la pratique, je te met la pression.
Je voudrais bien, mais la règle c'est ... je vais appliquer brutalement la solution conventionnelle, sans même avoir fait l'effort d'évaluer dans quelle mesure elle était adaptée au cas présent, ni pris le risque de m'opposer à l'absurde ou l'injuste.
...

L'écoute empathique érigée en stratégie de vie

L'écoute empathique est tellement efficace qu'elle devient le mode dominant de relation à l'autre chez certains individus. Quand ils nous rencontrent, il demandent des nouvelles, s'intéressent, font parler, et ne parlent pas eux même. Ils accumulent simplement du capital confiance, qui leur servira le moment venu.
Cette manière d'aborder l'autre est aussi très efficace pour pratiquer le jeu des alliances, du fait du capital sympathie qu'elle crée.

Qu'est ce qu'une écoute utile ?

L'écoute utile, et réellement bienveillante, est une relecture du raisonnement de l'autre, au moment où il cherche à résoudre un problème le concernant. Cette écoute vise à relever les incohérences, les trous dans son raisonnement, et a suggérer de nouvelles pistes de réflexion. C'est une simple mise à disposition de l'autre de ses propres capacités cognitives et de son expérience.

Devenir accro à la bonne ambiance

Résoudre les problèmes nécessite de sortir provisoirement de sa zone de confort mental, de 'chercher les problèmes' au sens propre. L'échange associé est donc inconfortable par nature.
Si on ne l'accepte pas, que l'on exige la bonne ambiance comme préambule et condition nécessaire d'un échange satisfaisant, alors on ne résout pas les problèmes, qui s'accumulent, nous rendent de plus en plus stressés, donc de plus en plus accro à la bonne ambiance pour compenser ce stress, donc de moins en moins efficaces pour résoudre effectivement les problèmes, qui continuent à s'accumuler. C'est un cercle vicieux.
La bonne ambiance constructive prend plus la forme de : cela a été dur, on a bien travaillé, maintenant profitons. Voir le paragraphe 'Recommandations alternatives' à la question 'Comment réussir sa vie ?'.

Approfondir

Au niveau des motivations, voir la question précédente 'Ne pas juger'.
Au niveau de la technique, voir la question 'Quelles sont les conditions à réunir pour produire un raisonnement sérieux ? La résolution de problèmes.' qui décrit le cadre méthodologique du processus mental de résolution de problèmes dans lequel une écoute utile doit s'exercer.
Voir aussi le chapitre 9 (Le journal des problèmes) du livre Du capital à la raison qui décrit un cadre social visant a favoriser la mise en pratique de ce processus de résolution des problèmes.
Au final, si l'échange informel reste le plus agréable, car le plus fluide, c'est aussi le plus difficile à mettre en oeuvre, celui qui dérape le plus facilement, donc il est préférable de revenir à un échange cadré, aussi bien au niveau méthodologique que social, chaque fois que l'on constate que l'on avance pas de manière satisfaisante dans la résolution des problèmes.