Chapitre 17
Le système de financement

Dans n'importe quel système vaguement raisonnable, les banques se doivent d'être exclusivement nationalisées, parce que la notion de banques privées est une hérésie. En effet, au niveau des dépôts des particuliers, la garantie est une nécessité sociale, donc la faillite de la banque n'est plus socialement envisageable. De plus, au niveau du financement de l'activité, et des ménages, définir à qui on prête et jusqu'à quel niveau est un élément fondamental de la politique économique et sociale, donc une fonction régalienne. Quand l'État abandonne cette fonction, il est obligé de mettre en place une usine à gaz de systèmes de subventions et sauvetage des entreprises en péril au final beaucoup plus coûteuse et moins efficace. Sur ce point, les gouvernants ont semble-t-il depuis quelques décennies cédé le bon sens à l'idéologie libérale et à la pression des lobbies.

Dans le système que nous proposons, la banque assure quatre services de base vis-à-vis des particuliers et des organisations, à savoir la comptabilité fiable de l'avoir sur chaque compte, et la mise à disposition des trois formes de paiement qui sont :
Le paiement direct, via une carte bancaire porte monnaie.
Le virement, par Internet.
La validation des demandes de paiement reçus, toujours par Internet, en lieu et place du système que l'on appelle actuellement prélèvement automatique.

Ensuite, la banque assure un service noble qui est le financement pour les organisations, et le crédit pour les particuliers et les organisations. Le rôle de la banque, c'est d'attribuer les fonds pour répondre au mieux à un cahier des charges qui lui est fixé par ce que l'on appelle actuellement le politique, mais qui dans notre système est progressivement transféré vers des organisations, au même titre que la production. Autrement dit, le rôle noble de la banque, c'est d'appliquer la stratégie visant à optimiser le rapport bénéfice social sur risque.

Ce système de financement assure l'unification entre ce que l'on appelle aujourd'hui entreprise commerciale, administration et les formes d'entreprises de l'économie solidaire. En effet, une organisation telle que nous l'avons définie au chapitres 8 peut jouer le rôle économique et social de toutes les entités que nous venons de citer. Ceci est rendu possible par le fait qu'elle n'est pas tenue à un résultat financier positif sur la durée, et n'a pas besoin de capital puisque la banque peut choisir de lui prêter, ou de la subventionner.
Le caractère universel des organisations en matière économique et sociale tient donc à leur capacité à concilier deux caractéristiques. D'un coté leur capacité à conserver sur la durée une bonne efficacité opérationnelle principalement du fait de leur résilience vis à vis de la loi de Parkinson (1). De l'autre, leur facilité à rester au service de l'intérêt général du fait de leur non dépendance vis à vis de capitaux privés, donc de leur non dépendance vis à vis d'intérêts privés.

Ce service bancaire est assuré par des organisations d'une centaine de personnes, conformément à la description du chapitre 8. Chaque personne physique ou morale choisit son conseiller dans l'une des organisations bancaires, et peut en changer à sa guise, mais n'en n'a qu'un seul à un instant donné. Les organisations non bancaires et autres éventuelles entreprises privées ne sont pas habilitées à faire crédit, ou vendre de l'assurance, ni aux particuliers, ni aux autres organisations ou entreprises.
De manière symétrique, les personnes physiques ou morales ne sont plus habilitées à effectuer des placements financiers. La raison se trouve au chapitre 4 : un placement est un acte politique, parce que la somme des placements a un effet structurant majeur sur l'activité économique, donc pour assurer le respect de l'intérêt commun, les placements devraient être le résultat d'une réflexion approfondie, que le citoyen ne fournit majoritairement pas au moment de placer ses économies. Notre intention n'est pas de limiter les libertés individuelles, mais simplement de ramener l'argent à sa fonction première de moyen d'échange, alors qu'il était devenu objet d'accumulation et de pouvoir « je te prête mon argent à condition que tu... », de fétichisme comme disait Marx.

La création des organisations se fait par un double mécanisme spontané et dirigé.
Un particulier peut déposer un projet auprès d'une banque, pour obtenir un financement permettant à l'organisation de démarrer. C'est le côté spontané.
Les organisations existantes peuvent lancer des appels à projet, qui sont collectés, classifiés, et diffusés auprès du public et des banques par des organisations spécialisées. Un particulier peut donc renforcer son dossier ou le bâtir en répondant à tout ou partie d'un ou plusieurs appels à projets. C'est le côté dirigé.

 

(1)
Une modernisation effective des services publiques, ce n'est absolument pas de leur appliquer des modes de 'management' issus du privés, prétendus plus efficaces, dont nous avons vu avec l'article de Meyer et Rowan qu'ils ne sont que des mythes. Une modernisation effective des services publiques, c'est de mettre en place un système de lutte efficace contre la loi de Parkinson. Ceci implique que, faute de proposition alternative, une modernisation effective des services publiques, c'est leur transformation en organisations telles que décrites dans ce livre.