Chapitre 16
L'impôt
Le système d'imposition, en France tout particulièrement, présente un problème majeur. En effet, modifier un impôt permet à moindre frais de donner l'illusion de gouverner, sans s'en donner la peine, à savoir sans retravailler l'organisation du fonctionnement de la société et plus particulièrement des services publics. Or un impôt pris individuellement n'est généralement ni bon ni mauvais. Seul le système d'imposition et de redistribution pris dans son ensemble peut être évalué. Dans ce chapitre, nous proposons un système d'imposition et de redistribution le plus simple possible, tout en étant suffisamment complet pour assurer l'objectif de faire profiter du progrès au plus grand nombre.
Le système d'imposition
Le système d'imposition que nous proposons est constitué de trois impôts seulement.
Le premier impôt vise à structurer la production.
Il s'agit d'une sorte de TVA sur la base d'un taux variable fonction de l'évaluation sociale et écologique du produit ou service considéré, ainsi que de la distance entre le lieu de production et d'achat. Les entreprises ne récupèrent que partiellement la TVA conformément à ce que nous avons vu concernant la sous-traitance au chapitre 12.
Le second impôt vise à contenir les inégalités entre individus.
Il s'agit d'un impôt linéaire sur le patrimoine au dessus du patrimoine médian, dont le taux assure la stabilité des inégalités. Le niveau des inégalités est défini par une règle de calcul stable sur la courbe des patrimoines, et ajusté mécaniquement pour garantir la stabilité du résultat, c'est-à-dire que l'on décide le niveau des inégalités au lieu de simplement constater son évolution.
Le troisième impôt assure la stabilité du patrimoine de l'État.
Il s'agit d'un impôt sur les successions dont l'ajustement du taux assure mécaniquement sur 30 ans le remboursement de tout le déficit public. Autrement dit, quand on hérite, on hérite moins la dette accumulée par la génération précédente. On a ainsi mis fin à cette absurdité appelée dette publique qui consistait à permettre à des individus de vivre à crédit, puis de faire hériter à leurs descendants des avoirs achetés à crédit tout en faisant hériter à la collectivité les dettes correspondantes sous la forme d'une dette publique.
Le système de redistribution
Le système de redistribution que nous proposons se compose aussi de trois éléments :
D'une part le financement des organisations, dont nous allons voir au prochain chapitre que cela couvre le financement partiel ou total de ce que l'on appelle actuellement services publics, tels que la santé, l'éducation, etc.
D'autre part le revenu universel modulé par de la discrimination positive. La discrimination positive s'adresse aux personnes âgées, handicapés et malades et autres groupes sociaux défavorisés.
L'indemnisation des sinistres.
Quelques précisions supplémentaires concernant le système d'imposition / redistribution
Seul le premier impôt, la TVA, est soumis à une politique publique. C'est avant tout l'outil de la transition écologique et de l'aménagement du territoire. En effet, ce premier impôt introduit la notion de taxe douanière généralisée, c'est-à-dire un taux fonction de la distance parcourue par le produit ou le service.
Le second et le troisième impôt sont mécaniques et devraient être définis dans la constitution.
Avec ce système d'imposition et de redistribution, il n'y a plus besoin de niches fiscales et autres complications. Toute la régulation est contenue dans le premier impôt ainsi que le financement des organisations, qui orientent respectivement la consommation et la production.
Dans ce système, on ne souscrit pas d'assurance. Être assuré fait partie de la protection sociale, et le banquier, donc nous traitons au prochain chapitre, s'occupe aussi de l'indemnisation des sinistres.
Les transactions financières
Dans la suite de ce chapitre, nous désignons par internes l'ensemble des pays qui ont convenu d'appliquer au moins partiellement les préceptes de ce livre, et externes les autres.
Tous les citoyens et personnes morales internes ont l'obligation d'avoir un seul et unique compte bancaire dans une banque interne.
En interne, il n'y a plus de monnaie papier : toutes les transactions sont dématérialisées.
Une transaction indique la date, le montant, l'acheteur et le vendeur. Si l'acheteur ou le vendeur est une personne morale, alors, dans certains cas, la transaction précise aussi la personne physique qui effectue la transaction pour le compte de l'entité morale. Par exemple, dans le cas du règlement d'une note d'hôtel, ou l'achat dans une boutique, si l'acheteur est une personne morale, alors la transaction devra être complétée sur place par la justification de l'identité d'une personne physique.
Toutes les monnaies alternatives sont rigoureusement interdites.
Il existe une notion de certification pour les personnes morales.
Toutes les personnes morales internes ne peuvent exercer qu'à condition d'être certifiées.
Une personne morale extérieure (entreprise commerciale, association, etc) peut être certifiée à condition de fournir à un organisme de certification (ils sont tous internes) la liste exhaustive de ses personnes physiques et morales bénéficiaires (ce qui a commencé à être mis en place en Europe pour lutter contre l'évasion fiscale), que les personnes morales bénéficiaires soient elles-mêmes toutes certifiées, et que l'organisme de certification se soit assuré que la réalité de l'activé correspond bien à la raison d'être exprimée par la personne morale, qui doit être une activité réelle, ce qui exclut les holdings largement passives.
Ne peuvent opérer en interne (vendre) que des personnes morales certifiées.
Par exemple, un bateau de plaisance, s'il appartient à une entité morale, ne peut accéder aux ports internes que si la personne morale qui le possède est certifiée.
Analyse de robustesse
Comme ce système ne prévoit pas d'impôt sur le revenu, les fraudes correspondantes disparaissent mécaniquement.
Un tel système d'imposition reste vulnérable à deux types de fraudes principalement :
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Le commerce "au noir" pour échapper à la TVA.
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La dissimulation d'une partie de son patrimoine sous forme d'avoirs dans des pays étrangers.
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Précisons tout d'abord que la principale source de régulation de ce système n'est pas la robustesse du système d'imposition, mais bien le fait que les organisations sont de taille modeste et n'ont pas de capitaux. Donc il n'existe pas de personnes qui deviennent démesurément riches grâce à l'économie interne. Ceci illustre parfaitement ce que nous avons précisé au début de cette partie du livre, à savoir que la valeur des différentes mesures proposées est avant tout lié à la cohérence d'ensemble.
Ensuite, la dissimulation d'une partie de son patrimoine sous forme d'avoirs informels dans des entreprises internes est difficile à cause de l'obligation de certification pour celles-ci.
La source d'évasion fiscale la plus évidente reste donc de convertir des avoirs locaux en avoirs étrangers, exactement comme avant.
Dans ce cas, on ne s'occupe guère de ce que les fraudeurs feront de cet argent à l'extérieur, mais on a mis une sérieuse barrière à son utilisation déguisée en interne, en dématérialisant la monnaie, et en obligeant à indiquer sur une grande partie des achats faits par une personne morale le nom de la personne physique qui représentait la personne morale.
Concernant le commerce dit "au noir", c'est aussi la dématérialisation totale de la monnaie et le fait de ne pouvoir avoir qu'un seul et unique compte en banque, dans une banque impérativement interne, qui limite l'échelle de la fraude.
Choix méthodologiques
La première question, c'est : « Quel est le nombre optimal d'impôts différents ? »
Si l'on imagine un système d'imposition composé de 12 impôt différents, alors sa modélisation est une fonction de dimension 12. Cependant, à ce niveau les politiques subissent le biais cognitif de surconfiance et l'appréhendent en fait comme la somme de 12 fonctions de dimension 1. Dit autrement, chaque impôt a potentiellement des effets sur tous les autres, de sorte que dès que leur nombre augmente significativement, plus personne ne maîtrise vraiment les effet d'un ajustement sur l'un d'entre eux.
Ceci est mis en lumière par l'enquête restituée dans l'émission Secrets d'info à laquelle nous avons fait référence au chapitre 4 quand nous avons évoqué l'argumentaire utilisé par le président Macron pour défendre le remplacement de l'ISF par IFI.
Donc plus on sophistique le système d'imposition, plus on baisse sa robustesse, c'est-à-dire plus on multiplie les opportunités d'optimisation fiscale contre-productives pour la collectivité. La spirale infernale, c'est de rajouter de nouveaux impôts, donc créer de nouveaux trous dans lesquels les plus riches, donc les mieux conseillés s'engouffreront au détriment des plus pauvres.
C'est pour cela qu'il nous a semblé primordial de définir un impôt qui garantisse la stabilité du niveau des inégalités, au lieu d'empiler des impôts qui y contribuent seulement. De notre point de vue, on peut éventuellement discuter sur les modalités à adopter pour obtenir cela, par exemple impôt sur les avoirs, sur les revenus, ou mixte, mais dans tous les cas on doit déboucher au final sur une garantie effective.
Notre impôt sur le patrimoine a pour seule faille la fraude fiscale, et c'est pour cela qu'au lieu de le compléter par d'autres formes d'imposition, nous avons choisi de contraindre bien plus fortement qu'aujourd'hui le système des transactions financières pour la limiter.
La seconde question, c'est : « Qu'est-ce que doit traiter le système d'imposition pour être socialement satisfaisant ? »
Doit il être très simple comme celui que nous proposons, et donc traiter très grossièrement toutes les situations particulières des citoyens, ou doit il avoir pour objet de tendre vers une justice fiscale maximale en intégrant le maximum de cas particuliers possibles.
Notre option a clairement été la première, pour les raisons de robustesse que nous venons d'évoquer. À l'inverse, nous comptons sur les associations et organisations pour prendre en charge les cas particuliers. C'est pourquoi le système de financement des organisations que nous avons adopté, et qui va être décrit au prochain chapitre, permet d'avoir aussi bien des organisations qui jouent un rôle de production, que d'autres qui jouent le rôle d'administrations, d'autres qui jouent un rôle d'association, et d'autres enfin qui jouent un rôle de services sociaux. C'est sur ce modèle qu'il nous semble souhaitable de nous appuyer, parce que pour traiter correctement les cas particuliers, aussi sophistiqués qu'ils puissent être, un système de règles au niveau national reste extrêmement grossier, et en revanche, la mécanique de fonctionnement extrêmement rigoureuse des organisations que nous avons décrite dans la seconde partie garantit la possibilité de leur déléguer des missions de services publics dans les meilleures conditions, et garantit aussi la décentralisation de cette délégation puisqu'elle implique uniquement un banquier d'une organisation bancaire, qui elle-même est fortement délocalisée du fait de l'effectif d'une centaine fixé pour l'effectif d'une organisation.